Démence

DÉMENCE : QU'EST-CE QUE C'EST ?

Selon l'Organisation Mondiale de la Santé la démence est un syndrome dans lequel on observe une dégradation de la mémoire, du raisonnement, du comportement et de l’aptitude à réaliser les activités quotidiennes. Bien que la démence touche principalement les personnes âgées, elle n’est pas une composante normale du vieillissement. La démence est l’une des causes principales de handicap et de dépendance parmi les personnes âgées dans le monde. Elle a des conséquences physiques, psychologiques, sociales et économiques pour les personnes qui en sont atteintes mais aussi pour les personnels en charge des soins, les familles et la société en général.

Devenir dément, c’est perdre la raison.

Le cerveau est un organe qui remplit deux ordres de fonctions :

  • C’est le centre qui règle la mécanique des mouvements et des sensations.
  • C’est le siège de la pensée.

Il existe des maladies de la pensée. Ces maladies sont à leur tour de deux ordres :

  • Maladies psychiatriques : pour une raison ou pour une autre, le sujet pense mal ; il pense des choses qui n’existent pas, ou il souffre de choses dont il ne devrait pas souffrir. Mais il pense : témoin le malade qui délire, son raisonnement est impeccable, le problème est qu’il est bâti sur des données fausses ; c’est pourquoi on a pu dire : le fou est celui qui a tout perdu sauf la raison.
  • Démences : pour une raison ou pour une autre, le sujet ne sait plus penser. Il existe de multiples formes de démence. Mais la plus répandue est celle qu’on nomme la maladie d’Alzheimer. Sans négliger les démences fronto-temporales, les maladies à corps de Léwy, et autres démences neurodégénératives, sous-corticales (parkinson), vasculaires, vésaniques, … moins fréquentes mais dont le diagnostic doit être recherché systématiquement, certaines étant curables.

CHIFFRES ET DONNÉES CLÉS

50 M.

de personnes concernées par la démence dans le monde (OMS) 

10 M.

de nouveaux cas/an

60-70%

de personnes touchées par la maladie d'Alzheimer (cause la + courante).

NUANCES SUR LA MALADIE D’ALZHEIMER

En premier lieu, il faut savoir de quoi on parle : autrefois, on savait que grand-père radotait, on savait qu’il fallait le surveiller et on savait le mettre au coin de la cheminée à écosser les haricots. On savait que le radoteur était un dément sénile : Les Grecs le savaient déjà, et les Romains avaient imaginé des mesures de tutelle pour les personnes âgées.

Puis un jour on a décidé que le terme de « dément sénile » manquait de classe, et on a choisi de parler de maladie d’Alzheimer.

Pourtant ce qui avait intrigué Aloïs Azheimer c’était précisément de voir des cas de démence survenir chez le sujet jeune, 50-65 ans ; et cette forme, dramatique, qui pose des problèmes spécifiques, reste rare.

Pouvait-on étendre ainsi l’appellation « maladie d’Alzheimer » à la démence du sujet âgé qui, elle, est beaucoup plus fréquente ?

Oui, sans doute, car elles se ressemblent beaucoup : reste à se demander si c’est vraiment le même processus qui détruit un cerveau à 50 ans et à 90. C’est à cause de cette réserve qu’on distingue la maladie d’Alzheimer stricto sensu et la démence sénile de type Alzheimer.

En second lieu il faut se demander quel est le mécanisme de la maladie. Et on se trouve grossièrement face à deux types de théories :

  • La première théorie est celle du trouble organique. Son principe est simple : le cerveau vieillit, comme tous les organes. À sa surface se forment, de manière tout à fait normale, ce qu’on appelle des plaques séniles, qui sont des zones où les cellules ne fonctionnent pas. S’il y a trop de plaques, ou si elles sont trop mal situées, on peut voir apparaître une démence. Le problème est qu’il y a des gens qui deviennent malades alors qu’ils ont peu de plaques, et à l’inverse des gens qui ont beaucoup de plaques et vont très bien.
  • Ceci a conduit certains auteurs à dire que la maladie d’Alzheimer est d’abord un trouble psychologique : la démence est un refuge, et le sujet préfère s’arrêter de penser plutôt que de penser des choses qui lui font trop peur. Et les tenants de ces théories se livrent des combats sanglants. Comme d’habitude en pareil cas, il est probable que la réalité est plus simple : vieillir est un travail, et ce travail est plus ou moins douloureux ; pour le mener à bien il faut un cerveau en bon état.

C’est pourquoi on peut dire qu’il y a trois sortes de sujets :

  • Ceux à qui vieillir pose assez peu de problèmes, mais dont le cerveau est si abîmé qu’ils ne peuvent plus les résoudre : ils deviendront déments.
  • Ceux dont le cerveau est encore en assez bon état, mais qui vivent si mal leur vieillissement qu’ils ne peuvent s’en sortir : ils deviendront déments.
  • Ceux dont le cerveau n’est pas trop endommagé et dont la crise n’est pas trop grave : ils échapperont à la maladie.

Le troisième point est la conséquence directe des deux premiers. Actuellement on considère qu’il n’y a qu’une sorte de maladie, qu’on regroupe sous l’appellation univoque « démence de type Alzheimer ». Il y a tout de même des raisons de penser que la réalité est plus complexe, qu’il y a plusieurs problématiques n’ayant guère à voir les unes avec les autres.

Il y a tout d’abord, on l’a dit, les rares formes du sujet jeune, voire très jeune. C’est une première situation.

Vers 70-80 ans la problématique de la crise est la plus pertinente, mais aussi la plus complexe. On trouvera donc des gens qui ont une forme de maladie identique à celle des sujets plus jeunes. Mais on trouvera aussi des malades qui vivent une grave crise de vieillissement, ou un isolement social majeur, ou un deuil infaisable : cet effondrement cognitif fait irrésistiblement penser à une sorte de suicide intellectuel. Naturellement toutes les formes intermédiaires sont possibles entre ces deux extrêmes.

Il y a enfin les formes du sujet très âgé, où on voit peut-être surgir un troisième phénomène, infiniment plus simple. Ici encore certains de ces malades feront une maladie d’Alzheimer classique, comme le sujet plus jeune ; d’autres feront une forme qui évoque la crise du vieillissement ; mais il en est encore d’autres qui semblent vivre (et qui le disent : pourquoi ne les croirait-on pas ?) un paisible renoncement à la pensée, tout simplement parce qu’ils se désintéressent du monde extérieur.

Cette distinction a tout de même une importance, d’abord parce qu’elle aide à rendre compte des différences de présentation des malades, mais aussi parce que l’évolution, ou le pronostic du retour à domicile, ont toute chance de ne pas être les mêmes selon la forme à laquelle on a affaire.

EXIGENCES DU DIAGNOSTIC

Il ne suffit pas d’être âgé pour être dément. Il ne suffit pas d’avoir un trouble du comportement, il ne suffit pas d’être dépendant. Il y a des critères de diagnostic. Et parmi ces critères il y en a deux qu’on doit garder à l’esprit :

  • Il s’agit d’un diagnostic d’élimination : le trouble ne peut pas être expliqué autrement ;
  • Le critère essentiel est évolutif : on ne peut poser le diagnostic à la première consultation ; ou alors c’est qu’on a affaire à une forme tellement évoluée que cela n’a plus guère d’importance.

Ensuite, il faut plusieurs conditions :

Il faut d’abord un trouble de la mémoire. Si la mémoire n’est pas perturbée, on ne peut pas parler de maladie d’Alzheimer.

Mais il faut aussi d’autres troubles :

D’abord, un trouble du langage. Mais il faut aussi un trouble des praxies, des gnosies. Il faut un trouble de l’orientation. Il faut un trouble du raisonnement, du jugement. Il faut enfin des troubles du comportement.

Ces troubles sont ceux qui font le plus souffrir les malades et les familles. Ils font partie intégrante de la maladie, au point que leur absence doit faire douter du diagnostic, même si au moins partiellement, ils sont réactionnels : pour l’essentiel il s’agit des procédés que le malade met en œuvre pour sauver les apparences.

Il reste un point fondamental : l’hospitalisation a tendance à majorer les troubles. Cela ne veut pas dire qu’elle les déclenche, ou qu’elle aggrave la maladie ; cela signifie simplement que, privé de ses repères, le malade se montre dans toute l’étendue de ses dégâts.

À l’hôpital on est idéalement placé pour voir tout ce qui ne fonctionne plus ; on est beaucoup plus mal placé pour voir ce qui fonctionne encore. C’est pourquoi il faut être prudent avant de poser un diagnostic et d’hospitaliser, et faire en sorte que cette hospitalisation ne dure pas (+ de 6 semaines = aggravation de la dépendance).

Il est très important d’utiliser les tests. Car trop souvent on porte le diagnostic de démence sur une impression ; or il est très important d’être systématique : il y a ou il n’y a pas un trouble de l’orientation. Il y a ou il n’y a pas un trouble du jugement.

Tout le monde connaît le Mini Mental Score, test très rapide qui permet d’explorer grossièrement l’ensemble des fonctions intellectuelles. D’autres tests sont intéressants (les plus utiles étant ceux que le médecin s’est fabriqué lui-même). Il faut accorder une mention spéciale à la grille IADL, qui passe en revue l’ensemble des activités de la vie quotidienne. Mais a contrario il ne faut pas oublier que ces tests sont très imprécis, et que leur interprétation demande du discernement. Il en résulte que même dans le cas de la maladie d’Alzheimer, le diagnostic n’est pas aussi simple qu’il en a l’air.

SYMPTÔMES COMPORTEMENTAUX ET PSYCHOLOGIQUES DES DÉMENCES

Les travaux de recherche récents ont contribué à une meilleure caractérisation clinique des symptômes non cognitifs des pathologies démentielles.

Il est intéressant de constater que lorsque l'on documente à l'aide de l'échelle NPI non seulement la sévérité observée des symptômes (fréquence x intensité) mais le stress perçu par le proche, il apparaît que certains symptômes se caractérisent par une « dissociation » en termes d'impact sur la qualité de vie : il s'agit de symptômes dont la sévérité observée est faible mais dont l'impact émotionnel est élevé et qui est corrélé à un faible niveau de qualité de vie du proche. Il s'agit des symptômes d'agitation et d'apathie essentiellement.

D'autres symptômes sont caractérisés par une dissociation inverse : leur score d'intensité est directement corrélé à l'altération de la qualité de vie alors que le score de stress induit ne l'est pas. C'est le cas de symptômes comme les hallucinations, l'exaltation, la désinhibition.

Pour ces symptômes, on peut suspecter que la conséquence en termes de qualité de vie du proche est moins liée à l'impact émotionnel qu'à l'impact sur l'environnement matériel, la surveillance, l'organisation pratique des soins ou les modifications de la communication avec le patient.

Bibliographie

https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/dementia